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La crise agricole vue des rayons (1)

Blanc de poulet

Je l’ai souvent écrit ici : pour (grande) partie, la crise agricole prend sa source dans la faible compétitivité de l’agriculture française. Laquelle s’explique à la fois par des raisons structurelles (taille des exploitations, organisation du travail agricole insuffisamment spécialisé, etc.) et concurrentielles. La France, donc les ministres de l’agriculture successifs, ont laissé d’instaurer d’incroyables distorsions sociales, fiscales ou environnementales entre pays de l’Union (d’ailleurs pour les curieux du sujet, je renvoie par avance aux travaux du Think Tank des Echos que je dirige sur le sujet / publication en juin du second livre blanc). 

Conséquence de cette moindre compétitivité : la tentation (légitime ET légale) d’importer des produits agricoles/agroalimentaires d’autres pays. Et comme il est possible d’avancer presque masqué (la faute à la tutelle publique bien davantage qu’aux acteurs économiques), voilà, avec ce blanc de poulet, une situation hélas banale. Le lieu déjà : le rayon self-discount d’un hyper Auchan (pour ceux qui n’auraient pas reconnu l’indice volontairement laissé sur la photo !). Le produit : un blanc de poulet premier prix (le cas de figure est identique avec le jambon de porc) d’une marque volontairement valorisante “Les Salaisons Lausse”, sous-titrée “Savoir-faire et Tradition”. Sur le pack, aucune mention explicite de l’origine du blanc de poulet. Reconnaissez qu’il faut avoir Bac+5 en conso pour décrypter le code-emballeur ! En revanche, une adresse en France à Lattes, près de Montpellier. Vérification faite sur place par mes soins (eh oui, quel dur métier !), l’adresse en question correspond à ces bâtiments plantés autour d’une marina. 

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De fait (et encore une fois en toute légalité), la libre-circulation des marchandises en Europe, couplée à des écarts de compétitivité croissants a engendré ce négoce international de produits alimentaires. On est loin, très loin, des récriminations basiques des syndicalistes agricoles qui ne voient guère plus loin que l’hypermarché du coin pour pleurer leur malheur. 

Depuis longtemps, je milite pour l’affichage clair (et obligatoire) de l’origine des produits, par exemple sur le modèle des fruits et légumes en rayon. Sur un plat cuisiné, la viande ne peut pas être “d’origine UE”. Elle est “française”, “allemande” ou “danoise” par exemple. Pas simplement “UE”. De même, la simple élaboration en France ne devrait pas pouvoir autoriser un drapeau tricolore grand format si le minerai principal n’est pas français. Etc.

Si, collectivement, paysans, industriels et commerçants, veulent transformer le client en citoyen (à leur bénéfice commun), encore faut-il lui donner les moyens de savoir. Ce blanc de poulet n’en restera pas moins légal. Il devrait juste afficher son pays d’origine en aussi gros que sa (trop) franchouillarde marque 😉 

5 commentaires

  1. complètement OK même si une mention origine allemande ou danoise sur le produit ne changerait qu’à la marge les volumes de vente tant les consommateur de ce type de produit ne regardent que le prix. Je persiste à dire que le conso n’achètera français que si il y trouve un bénéfice qui justifie l’écart de prix. la mention France ou autre drapea

  2. Merci d’avoir abordé le sujet de la libre circulation et des distorsions de concurrence entre les pays de l’UE. C’est là un sujet qui dépasse la politique franco-française, puisqu’il implique à la fois les décisions de Bruxelles et celles de nos chers voisins.
    N’ayant pas eu l’occasion de lire vos travaux, le Think Thank aborde t’il les distorsions de compétitivité dues à la monnaie commune ?

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