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Fermer des hypers : un tabou va sauter

TGC 177

LES FAITS.  Révélé en avant-première sur mon blog vendredi, Casino étudie actuellement la cession d’une vingtaine d’hypers. En n’excluant pas de les fermer si d’aventure aucun acheteur ne se présentait. A cette échelle, c’est du jamais vu en France.

En apparence, c’est un paradoxe. Mais en apparence seulement… Trimestres après trimestres, Géant publie en effet des performances bien supérieures à ses concurrents hypers : + 2,5 % par exemple en comparable sur le premier semestre 2018 vs – 1 % pour Auchan et – 1,6 % pour Carrefour. Au tableau d’honneur, Leclerc est également derrière ! Mais voilà… Comme à l’école, les excellentes progressions d’un cancre n’en font pas un crack. Et, en rendement, Géant Casino demeure le plus mauvais élève de la classe : 6 200 €/m2/an lorsque les meilleurs dépassent 10 000 €. Conséquence : les résultats demeurent dans le rouge. A quel niveau ? Casino s’est toujours refusé à le préciser. Mais toutes les projections convergent pour estimer le “trou” à 30 ou 40 millions d’euros. 

“Étudier” la cession de magasins, c’est évidemment accepter à l’avance leur fermeture…

En étudiant la cession d’une vingtaine d’hypers sur les 110 qu’il possède (et donc leur fermeture éventuelle s’il n’y pas d’acheteur pour chacun des sites), Casino prend acte que la situation n’est plus tenable. De bonne source, les hypers ciblés perdent en moyenne 2 millions d’euros chacun tous les ans. Les céder revient à renoncer à un volume non négligeable de chiffre d’affaires, certes, mais d’abord à équilibrer ses comptes. Tout sauf un détail alors que Casino est défié comme jamais par les marchés financiers.  Au-delà, Jean-Charles Naouri va surtout faire tomber un tabou : oui, fermer des hypers est un acte de bonne gestion à l’heure où le format est à la fois menacé par le e-commerce pour le non-alimentaire, par le drive pour les achats routiniers et par les supermarchés dont le maillage territorial est plus serré. 

Dans toutes les enseignes, hypers commer supers d’ailleurs, il y a des magasins “morts”. Le contester est une malhonnêté coupable désormais. Jusqu’à présent, seul Match a osé s’amputer significativement. Les supers de la famille Bouriez n’alignent plus 120 unités après en avoir compté jusqu’à 150. La rentabilité (et la pérennité) de l’enseigne s’est notoirement améliorée depuis. La vingtaine d’hypers Géant en sursis sont d’une autre échelle que les supermarchés Match. Y compris socialement bien sûr.  Surtout, ils participeront à remettre en haut de la pile le sujet chez Auchan ou Carrefour. En janvier, Alexandre Bompard avait finalement renoncé à fermer des hypers (alors qu’il y a aussi chez Carrefour des boulets). Plus tard, il confiait en privé ne pouvoir faire accepter que ce qui est… acceptable. Et fermer des hypers ne l’était pas à ses yeux. 

Lot de consolation pour Naouri : il va montrer la voie

Si tel doit être le cas chez Géant, Casino va contribuer à faire accepter une forme d’évidence tant aux partenaires sociaux, aux élus ou à… ses concurrents : certains magasins ne “méritent plus de vivre”. Simplement car ils ne le peuvent plus.  Vingt ans après avoir montré la voie du e-commerce à ses pairs en rachetant Cdiscount, Jean-Charles Naouri s’engage une nouvelle fois le premier dans un chemin qui s’imposera finalement à tous. Certes sous la contrainte mais bien en avant-garde. Maigre consolation néanmoins…

Olivier Dauvers

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10 commentaires

  1. Une fois ces hypers fermés et sans repreneur quel est le devenir de ces surfaces industrielles mortes ? J’ai rêvé d’un démantèlement total avec un retour vers une surface agricole pour y faire du bio bien sûr. C’est beau d’être un poète …

  2. Quelques magasins qui sont completement OUT : Roubaix (pourtant le plus recent je crois), Tour La riche, Boissy St Leger… en fait il se pourrait bien qu’il y en ait plus que 20 Non?

  3. Outre le volet économique et social, je pense que l’on peut aussi intégrer l’impact médiatique et politique pour l’enseigne surtout pour les magasins situés dans les quartiers difficiles (et qui n’auront aucun repreneur) à l’image de la fermeture de l’Hyper Casino de Grigny et ses conséquences politico-médiatiques…
    Quelle crédibilité les élus donneront à une enseigne qui souhaite se développer ou ouvrir un nouveau format en centre-ville et dans les nouveaux quartiers quand au même moment elle ferme un hyper dans le quartier difficile ?

    1. Les elus s en fichent. Ils permettent bien l’implantation des Lidl allemands ( faut dire que lidl arrose, au salon des maires de France), ou subventionnent les entrepôts amazon…. Et souffrent d une ignorance crasse: le maire de st pierre de montlimart dans le maine et loire, etait ” surpris” et ne ” comprenait pas” rla fermeture annoncée de l Intermarché: pour lui, la distribution est un secteur qui fonctionne bien.

    2. Surtout que Naouri a besoin de tous les soutiens politiques qu’il peut avoir. On peut s’interroger sur le pret recent consenti a Rallye par des banques francaises a des conditions inférieures (pour les banques) aux prets existants alors que la situation de Rallye s’est dégradée. Le principal levier de Naouri pour eviter la faillite est de faire un chantage a l’emploi. Cela suppose qu’il ne ferme pas trop de magasins.

  4. Les hypers sont bel et bien en sursis, prisonniers d’un modèle industriel dont ils sont dépendants, leur économie reposant sur les remises. Aliénation à un système qu’ils ont eux mêmes mis en place , les empêchant de répondre aux besoins de la société actuelle . Un cycle comme un autre , 88 % des plus grosses compagnies de 1955 n’existaient plus en 2017 …

    1. Tout à fait thl. aux plus malins de se reconvertir ou de suivre les évolutions sociétales!
      Casino à trop tardivement réagit par rapport à la concurrence (stratégie commerciale et remodling des vieux magasins) et doit effectivement à ce jour faire un choix.
      Dommage car d’un autre côté ils ont suent garder un vrai savoir faire dans les métiers de bouche.
      A suivre mais dans 10 ans je suis curieux de savoir comment évolueront les hyper marchés un peu à contre-courant de la demande actuelle.

  5. A noter que la fermeture du Géant de Boissy St Léger est confirmée depuis longtemps. Casino va opportunément profiter de la démolition du centre Boissy 2 qui doit être remplacé par un nouveau quartier, lequel accueillera à terme un supermarché plus modeste.
    Concernant les hypers en perte de vitesse, voire en perdition, il est en effet loin le temps où un changement d’enseigne permettait de les relancer. Ce qu’à l’époque Auchan avait réussi à faire avec de nombreux Mammouth, ou Carrefour avec la plupart des Euromarché.
    Cela dit, est-ce qu’un acteur tel que Cora n’aurait pas intérêt à reprendre un magasin comme le Géant de Roubaix ? Plus connu sur les terres nordistes que son concurrent stéphanois et plus proche de ses bases logistiques, Cora pourrait en faire un magasin à l’équilibre et renforcer sa présence sur l’agglomération lilloise…

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