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État d'urgence agri/agro : marques et enseignes, à vous d’agir !

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LES FAITS. Au sein de l’Union Européenne, la France agricole et agroalimentaire importe désormais davantage qu’elle n’exporte. Un choc pour une filière habituée à contribuer positivement à la balance commerciale du pays. Mais une issue qui était – hélas – prévisible et même écrite.

État d’urgence agricole et agroalimentaire : c’était le titre des travaux 2019 du Think Tank Agri/Agro des Echos, présentés fin juin. Depuis, le tableau s’est encore noirci avec, pour la première fois selon les calculs de l’INRA, un déficit commercial de la France avec l’Union Européenne. Et tous les indicateurs convergent… Prise dans son ensemble, la production agricole française est en baisse depuis l’an 2000 alors que la demande mondiale progresse de manière ininterrompue. Conséquence : la France a chuté du 2e au 6e rang des pays exportateurs (alors que d’autres “vieux pays” européens, Allemagne et Pays-Bas, ont maintenu leurs positions). Sur certaines filières bastions, la volaille par exemple, l’Hexagone est désormais importateur net. Et, sans réaction des consommateurs (celui qui achète in fine), l’accord UE / Mercorsur participera encore au déclin de la Ferme France. 

Trente ans d’échecs, jusqu’aux ministres successifs

Ce déclin, avéré, est aussi l’échec de trente ans de combats syndicaux, de pseudos accords interprofessionels totalement déconnectés des réalités économiques et de ministres de l’Agriculture successifs, incapables de poser simplement les termes du problème : la Ferme France doit avant tout reconquérir son marché intérieur. Non en le fermant (l’exportation en deviendrait difficile par ricochet) mais en donnant aux Français les clés de leur agriculture. Même si leur aspiration à consommer national est probablement surestimée dans les études, il n’empêche, il est évident que l’affichage clair de l’origine peut modifier la demande consommateurs et, par voie de conséquence, le sourcing des industriels, distributeurs ou restaurateurs. Oui, le client doit savoir que le poulet de la cantine est brésilien, que le porc de son jambon en rayon est espagnol, etc. Et pas sur une affichette qu’aucun client ne voit dans le restaurant ou en minuscules caractères au dos d’un pack…

La revendication de l’origine est une totale hypocrisie dont sont complices marques et enseignes 

La situation de l’agriculture française impose de faire cesser cette terrible hypocrisie qui tourne à l’ignominie : revendiquer haut et fort l’origine lorsqu’elle est française ; le cacher lorsque ce n’est pas le cas.  Patrons d’enseignes ou d’industriels, responsables de fédérations, associations professionnelles, cessez de vous lamenter sur l’état de la Ferme France. Séchez vos larmes de crocodile sur le sort des paysans, la compassion (même sincère) ne suffit plus. Place à l’action. 

Engagez-vous à la “symétrie dans les promesses d’origine” : revendiquer à l’identique l’origine de vos produits ou des matières premières principales qui les composent. Vous permettrez ainsi aux clients d’effectuer leurs choix en pleine conscience. Au-delà du seul prix, la valeur de l’offre n’en sera que plus claire. Les clients ne se détourneront pas totalement des produits made in ailleurs. Mais, automatiquement, la “demande conso” se déplacera, même modestement, vers des produits à l’origine à leurs yeux plus vertueuse, qu’il s’agisse de goût, de traçabilité, de sécurité, etc. Et parce que l’économie est une matière finalement simple à comprendre, si la demande progresse, les cours agricoles ne pourront que mieux s’en porter.

Naturellement, pris séparement de ses concurrents, un tel engagement serait méritoire mais… pénalisant pour l’industriel ou le distributeur concerné. Voilà pourquoi il ne peut être que collectif. Voilà pourquoi, aussi et surtout, les marques comme les enseignes ont une responsabilité historique : permettre aux clients d’assumer la leur (de responsabilité). Voilà pourquoi, enfin, les leaders syndicaux agricoles seraient inspirés de comprendre que les acteurs en aval sont certes leurs concurrents pour gratter la valeur de la filière mais avant tout leurs alliés pour la créer. Et qu’il s’agit désormais, là, de la mère de toutes les batailles.

Olivier Dauvers

 

Pour télécharger TRIBUNE GRANDE CONSO, c’est ici >> 

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Pour télécharger le rapport 2019 du Think Tank, c’est ici (via Les Echos) >> 

TT 2019

Et pour télécharger la présentation de restitution, c’est là (directement) >> 

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6 commentaires

  1. Dernière TGC: LA phrase importante est la suivante “Naturellement, pris séparement de ses concurrents, un tel engagement serait méritoire mais… pénalisant pour l’industriel ou le distributeur concerné. Voilà pourquoi il ne peut être que collectif.”
    Et malheureusement voilà : il ne peut être… C’est terrible, mais JAMAIS les distributeur ne s’accorderont là-dessus (ni sur grand chose d’autre d’ailleurs), c’est peine perdue. Vrai, sans doute, mais peine perdue.

    1. Il faut espérer que OUI c’est possible ; car les acteurs (amont et aval) comprendront bien un jour que nous n’avons pas d’autres choix et que cela créera de la valeur profitable à TOUS : car oeuvrer à l’essor des produits / ingrédients “made in France” contribue à donner du pouvoir d’achat aux consommateurs ….. qui le réinvestiront dans le Commerce ….. et la boucle est bouclé 🙂

  2. De retour du supermarché local à Gourron, j’en reviens écoeuré. Je ne mangerais pas concombre ni de melon cette semaine. Du melon charentais espagnol à 2,55€ pièce et puis quoi encore !

  3. Excellent Olivier ! voilà une solution facile à mettre en place qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit des Egalim. Il faut TOUS les interpeller aussi bien les Christiane Lambert, Jacques Creyssel, MEL et consorts que Richard Girardot …..

  4. Voir la salade Bonduelle !
    Du drapeau FR partout mais on ne sait pas d’où vient la salade. Quant aux promesses… Effarrantes de naïveté

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