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Cornérisation : planche de salut des hypers ?

TGC 180 bloc

LES FAITS.  Depuis mardi matin, deux hypermarchés Carrefour, à La Ville du Bois (Essonne) et Limoges, accueillent un “shop in shop” Darty en lieu et place de leurs rayons hi-tech et électroménager traditionnels.  

Année après année, le reflux de l’hyper se confirme. 2018 va marquer la seconde année consécutive de baisse du chiffre d’affaires (environ – 1,5 %, tous rayons). Et la quatrième année de rang de recul sur le critère encore plus important du rendement. Autant dire que c’est le modèle même de l’hyper qui est attaqué, et notamment les plus grands formats. En cause : l’effondrement du non-alimentaire, – 4 à – 5 % par an, sans perspective de retour à meilleure fortune, en tous les cas sur les marchés les plus web-perméables.

Historiquement, l’hyper avait sur ces marchés deux avantages : le prix (bas) et l’offre (large), ce qui lui conférait une véritable mission aux yeux des clients. Le développement des enseignes spécialisées a dépouillé l’hyper de l’avantage du choix et d’une partie de sa légitimité. Le web l’a ensuite privé de l’atout prix le laissant… nu.

L’hyper a le trafic mais plus la légitimité

Voilà pourquoi, en l’état, rien ne peut laisser espérer un rebond des rayons non-alimentaires de nature à freiner l’hémorragie générale. Voilà pourquoi, l’hyper n’a finalement que deux voies : accepter l’inéluctale et accompagner le mouvement en réduisant les surfaces, déplaçant de facto son centre de gravité vers l’alimentaire ; ou réinventer sa proposition de valeur non-alimentaire, via notamment la cornérisation ou les shop-in-shop en concession. Après un essai (non concluant) avec Virgin à Lyon en 2010, c’est le test que mène désormais Carrefour avec Darty. La cornérisation ne manque pas d’intérêt pour toutes les parties. L’hyper a le trafic mais pas la légitimité. L’inverse des enseignes spécialisées, qui – à la différence des hypers – ont toujours des vélléités d’expansion et recherche donc des surfaces. La cornérisation est à la fois la réponse à l’impasse stratégique et une addition de vertus. D’évidence, un rayon blanc/brun signé Darty a plus de valeur que l’offre d’un Carrefour ou d’un Auchan. Idem pour le jardin, par exemple signé Jardiland. Ou La FoirFouille pour le bazar maison, etc. Le champ des possibles est large. Et les obstacles réels, au premier rang desquels la gestion sociale de ces changements ou encore les situations de concurrence locale. Mais l’expérience montre que nécessité finit toujours par faire loi. S’il veut demeurer un circuit de destination pour le non-alimentaire (et pas uniquement de dépannage, auquel cas 10 000 m2 sont inutiles), l’hyper doit donner à ces rayons une valeur nouvelle. En l’état, elle est manifestement insuffisante. Et tant pis s’il faut y perdre partiellement son identité. 

Olivier Dauvers

Pour télécharger TRIBUNE GRANDE CONSO, c’est ici

 

NB : pour prolonger sur le sujet, RDV jeudi lors de la 1ère édition du Retail Execution Forum où j’interrogerai notamment Pascal Clouzard, DG Carrefour France. Plus d’infos ici >> 

Pascal-Clouzard-REF

11 commentaires

  1. A écrit tous les exemples possibles de cornerisation, une question le vient à l’esprit.
    Qu’en sera t il, à terme, de la compréhension client de ses mariages d’enseignes. Qui est qui, qui peut manger qui en terme de notoriété. L’historique Carrefour dominera t il toujours ou finira par se noyer s’il y a plusieurs corner dans le magasin? L’équilibre entre le poids des enseignes pourra être un élément d’évolution des concepts de cornerisation à mon avis.

  2. Tu ne parles pas des conditions de l’accord. Est ce que tu sais nous en dire plus?
    Loyer? Reversement % de CA etc?
    Dans le cas 1 le parc des hypers pourrait devenir un magnifique parc immobilier retail et redresser les résultats 🙂 (tout rêve est permis)

  3. Si la tendance se confirme (et elle fait sens), la Famille Mulliez est la mieux armée et pourrait au sein de ses AUCHAN inclure un corner Décathlon + Norauto + Pimkie/Brice + Picwic + Cultura + leroy Merlin + Boulanger + Flunch… ce serait finalement une halle regroupant tous les savoir-faire en s’appuyant sur la légitimité de chacun… et si c’était ça la chance de AUCHAN pour enrayer l’érosion de pdm?!?

    1. Le problème pour Auchan c’est que la plupart de ces enseignes (cousines) sont déjà implantées sur son parking ou dans sa galerie. Du coup peut d’intérêt d’en faire un corner en plus dans son hyper…

  4. La cornérisation est une solution pour rentabiliser des m2 devenu non rentables. Je n’y vois pour ma part qu’une extension de la galerie marchande qui pour certaines ont du mal à se remplir. La question que je me pose , pourquoi les enseignes spécialisées tirent mieux leur épingle du jeux que les hyper dans le non alimentaire? PLus de choix? cela posera alors un problème, la cornérisation laissera t’elle suffisament de place à l’expression de ce choix? La professionnalisme est une raison du maintien de ces enseignes. C’est un mal de la grande distribution qui touche le non alimentaire, mais qui touchera également l’alimentaire si l’on y prend garde. Nous ne pouvons nous contenter de mettre des produits à disposition en quasi libre service. Nous devons investir dans les compétences humaines. Ne plus recruter que des ELS, mais des technico-commerciaux au sein de nos magasins. Le client à besoin d’être informé, sécurisé, conseillé par des professionnels qui connaissent les produits qu’ils vendent. C’est à ce prix que les hyper et les super conserveront leurs pdm.

    1. + 1 sur le besoin de conseil, mais tellement compliqué sur le non-alimentaire à l’heure du e-commerce (informations produits, avis clients)

  5. Des grands magasins ont survécu en adoptant une politique de corners sans renier l’identité de leur marque. Grâce à leur pouvoir attractif, les hypers en recherche d’un second souffle, n’auront aucune difficulté pour trouver de nouveaux concepts ou enseignes à la recherche d’économies d’échelle en matière de logistique. Aux rues commerçantes des centres villes s’est ajouté ou substitué le “tout sous le même toit” des grands magasins puis des hypers. Le “tout sur le même site” des parcs d’activités commerciales a ensuite permis aux enseignes spécialisées de développer leurs surfaces de vente et leur offre. Grâce à l’économie numérique et l’offre sur Internet, le “tout sous le même toit” retrouvera toute sa pertinence pour les producteurs et fabricants désireux de conserver et multiplier des contacts physiques avec leur clientèle. Tout est une affaire de logistique entre besoins exprimés (ou suscités), et les ressources disponibles. Les distributeurs ne font qu’y ajouter un zeste de marketing plus ou moins développé en fonction de la cible de clientèle visée et des produits commercialisés.

  6. En gros, la voie du futur pour les Hyper, c’est se transformer en mini-mall. Mais un tel mini-mall dans une zone commerciale, n’est-ce pas contre-productif ?

  7. Auchan en Chine adopte la même stratégie que carrefour ici avec Darty. En chine c’est SUNNING (le Darty local) qui a un corner au sein de l’hyper. Personnel Sunning, mais encaissement Auchan.
    Par contre la multiplication de ces corners pose la question de l’attractivité de la marque Hyper. En effet si le surg est fait par picard, l’electro par Darty, le textile par Pimkie….que’est ce qui reste à l’hyper pour se différencier de sa galerie ou de ses concurrents si Darty implante des corners chez Auchan ou Cora aussi?
    L’autre question c’est la rentabilité, plus tu mets d’intermédiaires plus tu dilues la valeur (sauf si l’expertise ou la puissance d’achat de l’intermédiaire est bcp plus puissante que toi), si c’est le partenaire qui supportent le coût du stock c’est bien, mais ça se paye forcément à un moment……
    Je vois l’intérêt sur des secteurs pointus comme l’électronique GP ou il faut une forte réassurance, pas sure que ce sois intéressant partout au risque de perdre son âme/avantage concurrentiel (ou de diluer l’hyper comme un gros centre commercial dans un centre commercial…)
    Moment charnière de l’hyper tel que nous le connaissons, pour sure d’ici qlq années une (ou plusieurs) voie sera choisie a voir qui sera le vainqueur….si il y en a un.

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