Casino : Jean-Charles Naouri livre ses “vérités”

“Comme je suis un peu plus libre qu’avant, je vais vous dire mes vérités”. Les 7 pages que le magazine Le Point consacre à Jean-Charles Naouri démarrent ainsi… Derrière les “vérités” promises (et pas inintéressantes, loin s’en faut), il faut évidemment d’abord voir un classique exercice de communication. Mieux vaut toujours écrire son histoire que laisser d’autres le faire, surtout s’ils trempent (trop) leur plume dans l’acide.

Alors Jean-Charles Naouri y va de ses “vérités”… Sur les derniers mois d’abord : “J’ai mis toute mon énergie à faire en sorte que ce groupe Casino dont la situation financière était compromise ne soit plus dans cette position. Je suis fier de moi. Ce n’était pas gagné. […] Dans un délai court, un accord de restructuration financière a été trouvé. Les actifs, les magasins et les équipes ne sont pas touchés, j’en suis satisfait et je pense avoir fait mon devoir“. Sur la compétition (suscitée) entre les deux offres de reprise, JCN ne cache pas avoir manœuvré : “C’est la base de toute négociation ! Cela crée une dynamique de compétition et vous avez forcément une offre à la fin“. Puis, en guise de bilan : “Mon honneur, c’est de transmettre le groupe dans son intégrité, c’est une promesse morale faite à Antoine Guichard qui méritait que l’on mène la plus dure des batailles“. D’où il est, Antoine Guichard aura évidemment du mal à confirmer ou infirmer mais, ce faisant, Jean-Charles Naouri se donne finalement quitus. Classique exercice de communication qui ne convaincra pas les procureurs mais confortera les soutiens. C’est le jeu en la circonstance.

Sur le fond de l’affaire, Jean-Charles Naouri fait porter (sans surprise) la responsabilité des malheurs de Casino sur Carson Block, le financier américain qui a parié sur la baisse du cours dès 2015, considérant que Casino ne valait pas son prix en Bourse. Dit rapidement : qu’il y avait tromperie sur la marchandise ! “Quelque part, les fonds spéculatifs ont gagné“, tranche JCN, regrettant au passage que la réglementation ne protège pas davantage les entreprises de ces fonds vautours.

Dans ces “vérités”, donc, pas franchement de mea culpa. Alors qu’il pourrait y avoir matière… : dans la construction d’un empire par endettement (ce qui expose par principe le débiteur, donc le fragilise comme tout un chacun face à son banquier quand il s’est offert une maison trop luxueuse qu’il ne peut pas rembourser…) ; dans une communication financière pas toujours limpide (j’ai assisté à assez de réunions d’analystes ces 20 dernières années pour l’affirmer) ; dans une politique commerciale aussi inconstante qu’incroyable (au sens premier du terme). Bref, de nombreux sujets sur lesquels on aurait pu attendre le début d’une nuance sur ce qui a été fait. Mais, là encore, c’est la rançon de tout exercice de communication : l’objectif était d’installer l’idée que Casino est sauvé par les dernières décisions de son “chef”. A court terme, c’est vrai. A moyen terme, il est encore permis d’en douter. Mais l’ex futur patron ne pourra alors pas en être tenu pour responsable puisqu’il profitera d’une année sabbatique ou aura démarré une nouvelle carrière… d’enseignant. Bref, 7 pages à lire même si toutes les questions n’ont pas de réponses. Exercice de communication vous dis-je…