
Des Carrefour en redressement judiciaire… Présentée comme telle, l’histoire est surprenante, surtout qu’il ne s’agit pas de magasins à l’abandon, comme il peut en exister ça et là. Les magasins en questions ? Plouzané et Saint Renan (29), Guingamp (22), Rennes Alma (35). Les deux premiers sont exploités en franchise, les deux autres en location-gérance. Les quatre sont pilotés par le même groupe familial Guillerm, l’allié breton de Carrefour depuis 2014 après avoir été associé Système U.
Particularité des Guillerm : une obsession prix qui a longtemps placé leurs magasins parmi les moins chers de France pour leur enseigne. Et c’est précisément parce que Carrefour aurait revu les conditions que le positionnement prix s’est affaibli depuis un an, ce qui est factuel. Il y a un an Carrefour Plouzané pointait par exemple à l’indice DISTRI PRIX 95,1. Désormais, c’est près de 2 points supplémentaires.
C’est pour protester contre cette dégradation des conditions que les paiements des Guillerm à Carrefour seraient devenus moins réguliers… Objectif (facile à comprendre) : contraindre Carrefour à revenir aux précédentes conditions. Problème : quand deux têtus s’affrontent (les Guillerm parce que Bretons, Carrefour parce que très à-cheval sur le sujet des prix de cession !), la situation a plus de chances de s’envenimer ! Selon mes informations, l’ardoise atteindrait plus de 20 millions, ce qui a convaincu Carrefour de cesser les livraisons (ce qui a vidé rapidement les magasins) et, pour les magasins en location-gérance, de casser le contrat. Une pratique “banale” dans ce type de conflit. Ce qui l’est moins, c’est la suite. En se plaçant sous la protection du redressement judiciaire, les Guillerm ont obtenu de Carrefour (via l’administrateur judiciaire) de reprendre les livraisons pour ne pas menacer la viabilité des points de vente (et les centaines emplois qui vont avec). Un rapport de force que je n’avais encore jamais vu à ce niveau là. Et que suivent actuellement tous les franchisés et locataires-gérants ailleurs en France.
La question à présent est simple : comment Carrefour et les Guillerm vont-ils sortir de ce bras de fer ? Possiblement en se retrouvant à la même table, car aucun des deux n’a intérêt à l’enlisement. Carrefour pour son image (des hypers en RJ, ça fait désordre socialement). Les Guillerm pour leurs affaires. Et c’est aussi pour ça que tous les autres partenaires de Carrefour suivent le clash avec attention. Pour savoir si Carrefour va lâcher quelques millions… Que ça soit en abandon de créances ou en conditions d’achat.



