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A lire : Carrefour des illusions par Jacques Beauchet

CarrefourdesillusionsEn 2008, Jacques Beauchet était encore membre du directoire de Carrefour. L’un des rares ex-Promodès qui a su trouver sa place dans la haute hiérarchie et donc vivre, de l’intérieur, la fusion. Une fusion qu’il raconte aujourd’hui dans Carrefour des Illusions, aux Editions Bertrand Gobin. Une lecture indispensable pour qui se passionne pour l’histoire – et notamment la petite histoire – de la distribution. Dans un style très alerte, Jacques Beauchet guide son lecteur dans les coulisses, notamment dans ce rapport de force Carrefour / Promodès qui sera le vrai poison de la fusion. En septembre 1999, le projet est présenté ainsi : « Pour gagner la bataille mondiale du commerce ». « Cela donne le ton, c’est très guerrier, très arrogant, très Carrefour finalement », note Jacques Beauchet dès les premières pages et qui, lui aussi, donne le ton d’un récit, globalement plutôt à charge. Le management de l’époque – Daniel Bernard en tête – va en prendre pour son grade ! Beauchet s’étonne d’ailleurs du nombre de « conseils » qui entourent le management. « Il y en a partout, et dans tous les domaines. Carrefour a clairement des habitudes de riches ». Si le récit est certes entrecoupé des quelques piques du cadre sup’ piqué dans son orgueil d’avoir été débarqué (c’est tant humain que compréhensible), l’ouvrage porte un regard critique sur la stratégie des années Bernard. Une stratégie que j’ai d’ailleurs toujours critiquée (m’attirant d’ailleurs régulièrement les foudres de « DB ») car davantage fondée sur la croissance de la marge commerciale que sur le développement du chiffre d’affaires. C’est-à-dire, et de manière certes un peu réductrice, l’antithèse du commerce. Pour avoir vécu de l’intérieur cette époque, Jacques Beauchet apporte un éclairage bigrement intéressant, indispensable. Et l’on comprend qu’en fait DB était obsédé par la justification a posteriori de la fusion. A ce titre, seule une croissance forte du résultat trouvait grâce à ses yeux. « Parce qu’il faut assurer le résultat, on ne pratique pas la politique de prix que les synergies de la fusion auraient dû permettre », écrit un Jacques Beauchet, mué en théoricien du discount. Plus loin, il raconte un « retour de vacances chez Carrefour ». Un grand classique… « En septembre, tandis que l’on prépare le budget de l’année suivante, on estime ce que l’on appelle l’atterrissage de l’année. La préoccupation du résultat l’emporte alors sur celle du chiffre d’affaires. On réduit l’effort promotionnel et, surtout, on laisse filer les prix. Compte tenu de la très forte sensibilité des ventes aux prix, elles fléchissent. Le deuxième semestre et surtout le dernier trimestre sont en conséquence mauvais et, pour couronner le tout, on explique avec la plus parfaite mauvaise foi que ce sont les concurrents qui sont devenus soudainement plus agressifs à partir de septembre. Cette séquence s’est malheureusement répétée chaque année ». Rien de surprenant pour qui connaît Carrefour, mais raconté de l’intérieur et enrichi d’anecdotes ou de faits jusque-là inconnus, le récit mérite sans conteste le détour.

Disponible sur www.carrefourdesillusions.com (270 pages, 22 euros)

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