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Alexandre Bompard (presque) roi du pétrole

TGC 211 masque

Se fera, se fera pas ? Au lendemain de l’officialisation de discussions préliminaires entre le pompiste Couche-Tard et l’épicier Carrefour (préliminaires un brin poussés quand même, le Canadien affichant déjà son prix), la question est plus que jamais ouverte. Pour avoir formulé une offre, Couche-Tard est clairement acheteur. Pour avoir accepté d’en discuter, Carrefour est donc officiellement vendeur. Comme toujours, l’un et l’autre allaient pinailler quelque jours sur le prix. Normal. C’est la loi de l’exercice. Un relèvement de l’offre à 22 ou 23 € devait conclure l’épisode et, hop, Bompard sortait de l’opération en… roi du pétrole : il avait pris les commandes de Carrefour à 20 €, il allait céder le manche avec un gain de 10 %, après plus de trois ans où l’action est tombée jusqu’à 13 €. Une quasi prouesse pour des actionnaires rincés, limite désespérés. 

Mais, voilà, Bruno Le Maire s’est invité dans le débat pour tempérer des ébats qui s’annonçaient. Avec un argument ET une arrière-pensée. Normal, c’est le jeu. L’argument ? “La souveraineté alimentaire“. On rigolera longtemps de la profondeur de l’argumentation via une saillie davantage digne du café du commerce que de l’ENA : “Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, y’a plus de biens essentiels, vous faites comment ? Donc, ce qui est en jeu, c’est la souveraineté alimentaire des Français“. D’évidence, il a échappé au pourtant Ministre de l’Économie à quel point l’approvisionnement alimentaire des Français est déjà très largement assuré par des entreprises dont les capitaux sont tout sauf… français. En revanche, plus entendable aurait été l’argument des relations avec la Ferme France. Depuis une vingtaine d’années, devant des publics agricoles, je rabâche la même antienne : “Plaignez vous des distributeurs français, soit. Mais imaginez ce qu’il en serait le jour où le centre de décision de Carrefour sera à Bentonville, dans l’Arkansas, chez Walmart“. Bentonville ou Laval (le siège canadien de Couche-Tard), peu importe, l’idée est la même : un commerçant français dont le commandement ultime est ailleurs aura-t-il encore des scrupules à s’approvisionner en tomates marocaines douze mois sur douze ? Problablement moins qu’aujourd’hui. 

Après l’argument, l’arrière-pensée. Nul secret, Bruno Le Maire voit plus loin que Bercy. Et c’est légitime. Il n’a pu lui échapper que, dans une lecture sociologique de l’époque, le souverainisme gagne du terrain. C’est ainsi. Et la question finalement assez simple : comment espérer devenir le premier des Français en laissant filer le premier des commerçants français sous pavillon étranger, fût-il ami et bienveillant ? Difficile. Voilà pourquoi Bruno Le Maire s’est déclaré “a priori pas favorable” à l’opération. La porte n’est certes pas totalement fermée mais les tourtereaux savent désormais à quoi s’en tenir. Convaincre les actionnaires était finalement le plus facile car ils sont, de facto, “achetables”. Convaincre un ministre le sera moins. Mais, après tout, Bompard a déjà rempli une part de sa feuille de route. Avec ou sans le pompiste Couche-Tard, il a rendu Carrefour désirable. Ce qui est déjà une petite victoire. Presque roi du pétrole. Presque. 

Olivier Dauvers

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13 commentaires

  1. Donc ça confirme, même si je sais que tout le monde le sais, que Carrefour est simplement une enseigne pour faire du beurre pour ses actionnaires, tous les artifices autour du manger mieux, de l’environnement ce n’est que… artifice. Finalement je préfère donner mon argent au E.leclerc du coin.

    1. Yann,
      Cela s’appelle le Capitalisme.
      Je ne savais pas que Leclerc donnait dans l’associatif !
      C’est vrai que les patrons de Leclerc ne font pas partie des grosses fortunes Françaises !

    2. Chez Leclerc , ce sont les propriétaires des Hyper qui se font du beurre et en grande quantité.
      Il y a quelques années , la revue Capital publiait la liste des personnes les plus riches par région et sans exception y il avait dans chacune ces propriétaires
      Alors , donner aussi encore un peu d’argent à Carrefour pour que nous puissions toujours avoir des choix d’approvisionnement différents !!!!!!!!!!

  2. plutot une belle affaire pour Mr Bompard qui n’a pas fait des miracles, sinon degraisser le mamouth en perdant les meilleurs avec un cheque en or. Et des actionnaires qui pourraient ainsi sortir sans trop de casse avant la vraie tempête à venir. Carrefour reste une entreprise tout sauf agile, engluée dans sa bureaucratie et son manque de délégation sur le terrain. A 20€ , c’est à peut près 50% de la valeur d’il y a quelques années…

  3. ““Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, y’a plus de biens essentiels, vous faites comment ? Donc, ce qui est en jeu, c’est la souveraineté alimentaire des Français”
    Quand Carrefour a liquidé 273 Carrefour Contact au premier semestre 2018, je ne pense pas qu’ils aient eu le moindre état d’âme à affamer* les populations bien que la direction de Carrefour soit “française”.
    * Je prends l’exemple de Savigny-sur-Orge (91), 37 000 habitants en banlieue parisienne dense. Quand le Carrefour a fermé le 30/6/2018, les habitants n’ont eu d’autre choix que de devoir désormais sortir de la ville pour trouver de quoi s’approvisionner en alimentation dans les villes voisines (2 à 3 km ).

    1. Pardon mais vous dites des conneries. Si Carrefour ferme un contact c’est bien que celui ci n’est pas viable. Je le dis à mes clients chaque jour, ‘IL Y A DES CLIENTS ON OUVRE, PLUS DE CLEINTS ON FERME’. Que les français achètent à coté de chez eux, si ca ferme c’est qu’ils n’étaient pas rdv.

  4. C’est une prise de position politique, rien de plus ! si malheureusement ça avait un impact, cela se saurait 🙁 Je repense aux industries défendues à chaque fois mais qui ont été rachetées, fermées au fur et à mesure… Nos politiques sont bien trop éloignés de la réalité de leurs électeurs

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