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Shrinkflation : l’hypocrisie à tous les étages

LES FAITS.  C’est « LE » mot du moment : Shrinkflation. Le procédé, qui consiste à rétrécir les formats (« to shrink » en anglais) pour augmenter les prix au litre ou au kilo, a donc été utilisé par quelques marques star. Le prisme (déformant) des médias et des réseaux sociaux a fait le reste… 

Invité de C dans l’air mercredi soir (France 5), le patron de Carrefour Alexandre Bompard n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier la shrinkflation : « C’est une pratique qui est inacceptable quand il y a une hyperinflation, que les Français souffrent », a-t-il dénoncé, drapé dans un costume de chevalier blanc, que l’on croirait emprunté à Michel-Édouard Leclerc. Une semaine plus tôt, Intermarché s’en était publiquement pris à Findus (revoir ici), accusé d’avoir allégé de 10 grammes ses boîtes de pommes rissolées (pour modifier le gencod) et augmenté le prix de 50 %. Entre temps, BFM avait révélé que 122 marques majeures étaient actuellement coupables de shrinkflation, imposant de facto le sujet dans le débat public.

En quelques jours à peine, voilà les industriels (déjà soupçonnés de traîner des pieds pour renégocier leurs tarifs) tout simplement accusés d’arnaque. L’occasion était trop belle… Pour les enseignes, de renvoyer la patate chaude à leurs fournisseurs. Pour les politiques, de s’emparer d’un sujet facile à comprendre par le quidam. Et pour les journalistes d’en faire des tonnes. Voilà donc comment la shrinkflation est devenue « LE » mot de la semaine. 

Aucun des procureurs des plateaux TV n’est irréprochable.
Ni les enseignes, ni les politiques ni… les médias !

Derrière le mot, un incroyable bal des hypocrites. D’abord, parce que la pratique est bien plus ancienne que présentée, depuis la libéralisation des poids des produits alimentaires en 2007 ! Ensuite (et surtout), parce qu’aucun des procureurs des plateaux TV n’est irréprochable.
Les enseignes ? Jusqu’alors, elles ont toujours accepté dans leurs rayons les turpitudes qu’elles dénoncent aujourd’hui. Sans doute car les budgets de référencement aidaient à regarder ailleurs. Mieux elles ont parfois accompagné les industriels via leur MDD. Prenez Carrefour (justement) : son jus de pamplemousse frais jauge… 90 cl (et non 1 litre comme la version « ambiante »). Simplement car Tropicana a réduit le format de ses bouteilles vendues au rayon frais en 2019 et, au passage, créé un nouveau standard que Carrefour a donc adopté ! Bref… 

Les politiques ? Jamais en reste pour s’offusquer. Oubliant juste qu’il n’y a ici rien d’illégal. Et que l’idée même d’une loi imposant un affichage est contournable dans l’instant. Autant dire que les envolées à la douce saveur populiste de Bruno Le Maire sur son fil X (ex-Twitter) ont une valeur toute relative. Bref (bis).
Quant aux médias, qu’ils expliquent pourquoi la pagination des journaux est fluctuante (et en forte baisse l’été) alors que le prix de vente ne l’est pas (en baisse). Bref (ter). Bienvenue au bal des hypocrites ! Y’a du monde sur la piste…

Pour télécharger TRIBUNE GRANDE CONSO, c’est ici >>

22 commentaires

  1. Carrefour a depuis longtemps adopté cette stratégie pour ses marques propres… Il est vrai que cette stratégie MDD n’était pas désigné “shrinkflation” mais downsizing… Cela consistait à réduire les conditionnements pour pouvoir aligner le prix de vente sur Leclerc sans sacrifier la marge. Les produits escapades gourmandes devenus ensuite carrefour sélection obéissait au même principe: adapter le conditionnement afin d’optimiser la marge et pratiquer un PVC “attractif” versus Monoprix Gourmet ou Gault et Millau…. Ou encore modifier la recette des jus multifruits en fonction des cours, augmenter la masse d’air dans les glaces, ajouter de l’eau pour maintenir le poids et baisser la quantité de matières onéreuses…
    Autre hypocrite, Intermarché… Jean Pierre Le Roch a été le principal promoteur du prix à l’unité de mesure, seul contre la plupart de ses concurrents. Dès 1980 il lance “l’étiquette informative”, ancêtre du prix au KG ou au litre, précédant ainsi la loi votée 2 ans plus tard… “On voulait permettre aux consommateurs de payer réellement les prix. Nous étions des pionniers et affirmions ainsi notre différence” “André Watrin.
    Intermarché a renié ce principe, notamment dans ses usines, fait la leçon à Findus… et déclare qu’il va reprendre tous les moutons à 3 pattes de Casino pour accroître sa part de marché… Autrement dit renflouer casino plutôt que consacrer l’argent des adhérents à accroitre la performance des magasins et gagner la confiance des clients…

  2. Bravo olivier pour cette tribune (à relayer au maximum).😀
    Effectivement, il y a un vrai problème de diffusion de l’information juste. Les faits rien que les faits.

  3. Les distributeurs devaient savoir car cela a dû passer par un changement de code barre des produits. Des vrais hypocrites pour mettre la pression encore un peu plus sur les industriels.

    1. changement de code barre des produits => Il me semble que cela produit une rupture dans le suivi de l’indice des prix à la consommation, n’est-ce pas. Et du coup l’INSEE s’en sort comme une blanche colombe avec une inflation plus faible que celle que l’on voit sur le blog d’Olivier Duavers puisque les changements de code barre avec super hausse passent à travers les mailles du filet.

  4. Pourquoi a ton autorisé les ventes de produits hors, par exemple le kilo, les 500 ou 250 grammes ?
    On arrive à des poids de marchandises ridicules dans des emballages restant les mêmes et donc moins remplis….
    Le consommateur ne le voit pas toujours

  5. Très bien vu tout ça et très bien dit. Il suffit de voir les “journalistes” de M6 info enchainer les reportages à ce sujet sans voir plus loin que le bout de leur nez, niveau zéro du journalisme, mais ça on a l’habitude. Quant au patron de Carrefour qui trouve ces “pratiques inacceptables”, que pense-t-il des promos bidons de carrefour avec leurs innombrables prix promos très supérieurs au prix permanent, ou encore leur prix barrés totalement fantaisistes, surtout dans le non alimentaire? C’est une “pratique acceptable” ça peut-être? Ils font pire à mes yeux en se moquant ici littéralement des clients.

    1. Ce n’est pas cdiscount qui s’est fait attraper dernièrement à ce sujet ?
      Réduction énorme sur un prix de base totalement délirant.

    2. Tout à fait, Carrefour devrait balayer devant sa porte…
      Auparavant le filet de PdT 1er prix de 1,5kg était vendu 0,99€ et maintenant même prix même emballage mais seulement 1kg de PdT? 😉😢

  6. La schrek flation

    C’est quand AB devient vert de rage en découvrant que le groupe a déjà enlevé le haut sur les mdd

    Demain j’ enlève le bas

  7. La shrinkflation……..
    Il ne faut pas oublier que cela vient de certains distributeurs qui voulaient conserver leurs marges via des gencod différents.
    Ou qui vous boycottaient si le même gencod était référencé chez LIDL, voire demandaient des compensations.
    Et à cette époque là les SRP n’intégraient pas de frais logistiques.
    Alors CARREFOUR aurait il la mémoire courte en dénonçant certains industriels ?
    Voudrais Mr Bompard était à la FNAC à cette époque pas si lointaine

    1. tain se faire suer (la peur du schlag … ) a calculer lorsqu’il suffit de lire l’etiquette et de regarder le prix au kg 🙂

      franchement enorme 🙂

      merci pour ce smile que vous m’avez mis

  8. Faire du “BUZ” en terme de communication pour les enseignes permets d’être lu, entendu avec un budget financier extrêmement économique comparativement aux publicités TV, radio etc…
    Cependant, choisir c’ est renoncer !!!!
    Et dans toutes actions mal appréhendées, voire hypocrites le risque “0′ n’existe pas et les retours peuvent être contre-productif rapidement…
    Les dirigeants qui ont agité ce ‘BUZ” seront ils présents la semaine prochaines sur les médias pour répondre à leurs détracteurs sachant qu’ils auront des exemples factuels à évoquer ???
    Courage…fuyons…

  9. Ca fait le buzz, on va surfer dessus, ça fera oublier le reste, pratique quand même.

    “Bruno Le Maire sur son fil X”
    La précision entre parenthèse était indispensable “comme jamais”.

  10. Si mes souvenirs sont bons, c’est Innocent qui a entamé la mise en place de bouteilles 900 ml. Et ce, dès son arrivée en France. Tropicana n’a suivi que quelques années plus tard.

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