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Crise agricole : de la gestion par l’émotion à la gestion par la raison ? 

Énième crise agricole que seuls les malvoyants n’avaient pas vu venir… Alors, forcément, quand les yeux s’ouvrent sur des barrages routiers, des préfectures ou des hypers repeints au lisier, c’est l’affolement au sommet de l’État, surtout avec comme perspective des centaines de tracteurs ceinturant Paris. En quelques jours à peine, voilà le dossier agricole érigé en “priorité absolue” (et, en creux, chassant la… précédente priorité absolue) pour une énième gestion de crise par l’émotion. 

Depuis une ferme (pour l’image en direct sur les chaînes infos), le Premier Ministre a donc annoncé quelques mesure(tte)s et, surtout, distillé quantité de mots doux. “Le jour du sursaut”, “Je ne vous lâcherai pas” et autres sucrosités sémantiques agrémentées (parce que c’est bon à entendre) de la prochaine révélation de trois entreprises s’émancipant d’Egalim. De méchants oppresseurs jetés en pâture aux gentils oppressés, ça plaît toujours. Pourquoi s’en priver ? 

Le revenu ? La soustraction des charges aux prix. 
Donc les deux ont un effet…

Sur le fond ? Si peu… Et toujours ce même aveuglement sur la cause profonde du malheur agricole. Si le revenu des paysans français est en moyenne trop faible voire indigne pour certains, c’est (pardonnez pour cette leçon d’économie niveau 6e) parce que l’écart entre les prix et les coûts est insuffisant. En clair, le sujet des coûts est au moins aussi important que le sujet des prix (l’objectif d’Egalim). Car c’est bien de la soustraction de l’un sur l’autre que découlera (ou pas) un revenu plus satisfaisant. 

Voilà pourquoi une gestion de la crise agricole à long terme doit reposer sur ces deux leviers et non céder à la faciliter de laisser l’amont à son insuffisante compétitivité pour attendre de l’aval qu’il accepte sans barguigner des prix plus élevés qu’ailleurs, le tout dans une Europe où – parce que les peuples l’ont accepté – les marchandises circulent librement.

Bien sûr, il faut soutenir le niveau des prix ! Mais en s’assurant quand même qu’ils sont acceptables socialement (ce qui est moins vrai après deux ans d’inflation à 25 % !). Bien sûr, industriels et distributeurs doivent assumer leur part de responsabilité (a minima le respect d’Egalim ou la transparence dans les origines pour cultiver les raisons de choix ou de… non choix de certains produits). 

Bien sûr, des prix plus élevés en sont de facto plus rémunérateurs. Mais… des coûts plus bas aussi ! Pourquoi cet aveuglement collectif ? Non, la ferme France n’est pas assez compétitive. Il y a les normes, la fiscalité, les distorsions sociales ou environnementales, bref tous ces boulets qui entravent. Il y a aussi la société dont la crise actuelle révèle la dualité. Toutes les études le montrent, les Français soutiennent largement le mouvement de protestation (environ 80 %) mais, dans le même temps, ces mêmes Français regardent avec méfiance (voire contestent) l’accroissement de la taille des exploitations et les économies d’échelle qui vont avec, ou l’évolution des pratiques agricoles. Bref, les Français rêvent de Martine à la ferme mais se ruent chez Leclerc pour ses prix. Évidemment incompatible. Là aussi, il est urgent de passer d’une gestion de crise par l’émotion à une gestion par la raison ! Sur ce point, Gabriel Attal n’a pas encore montré la moindre compétence. Mais ses deux semaines (seulement) de Premier Ministre au compteur lui laissent encore le bénéfice du doute. 

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8 commentaires

  1. La France est mon pays, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne etc ne sont pas mon pays. defendez VOTRE pays Mr Dauvers pas celui des autres.

    bruxelle est notre seul ennemi parce que ce n’est pas NOUS.

  2. Le mouvement des agriculteurs est bien légitime, et les mesurettes, bien loin de les satisfaire, ça c’est sur.
    Mais il faudra pour ce gouvernement ne pas regarder uniquement vers le monde agricole, mais bien vers l’ensemble des entreprises, commerçants, artisans, restaurateurs dont beaucoup arrivent aussi dans une impasse, trop de charges, trop de normes, trop de paperasses … il est temps que ça change !!

  3. Revenu = prix – charges. Mais quid des primes et donc combien gagnent vraiment les agriculteurs… Question sensible.

  4. J’ai l’amère impression, que les exploitants français propriétaires de leur fermes déplaisent aux dirigeants et les voient comme de vulgaires koulaks qui refuseraient la collectivisation de leurs terres. Un air de déjà vu dans le passé en Europe de l’Est notamment sur un territoire qui aujourd’hui est l’objet d’enjeux agricoles considérable. Ce territoire est l’Ukraine où les immenses exploitations aux conditions sociales et environnementales très inférieures, ont malgré tout accès au marché agricole européen sans aucune barrière douanière.

    Un avis à ce sujet M. DAUVERS ?

  5. Comment baisser les coûts quand on vous empêche d’être plus productif, en interdisant les pesticides utilisés ailleurs, par exemple ?

    Rien ne changera. L’agriculture française suit le même chemin que l’industrie (et, non, il n’y a pas de réindustrialisation).

  6. Le mot “industriel” n’est pas clair dans votre phrase : “Bien sûr, industriels et distributeurs doivent assumer leur part de responsabilité”.
    Est-ce qu’il s’agit : a) des agriculteurs, b) des grossistes en agriculture, c) des transformateurs de produits agricoles ?
    Selon moi, le problème principal vient des grossistes, et de la timidité des distributeurs qui n’osent pas les contourner, alors qu’ils le font dans d’autres domaines.

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