
Shein a donc ouvert aujourd’hui à 13 heures un espace de vente de plus de 1 000 mètres carrés au dernier étage du BHV à Paris. Sans surprise vu le phénomène à la fois médiatique et marchand, il y avait foule avant l’ouverture. Les premiers clients ont patienté plusieurs heures sur le trottoir avant de pouvoir participer à cette “première mondiale”.
Afin de vivre l’événement en tant que client (c’est le meilleur point de vue possible), mon associé Benoît Merlaud se glisse incognito dans la file d’attente. Obligatoire pour récupérer le sésame permettant de passer les filtres au pied du sixième étage. Ce qui laisse le temps d’admirer l’hôtel de ville en face… et ses deux petites banderoles anti-Shein accrochées aux fenêtres.
Les forces de l’ordre sont venues en nombre pour éviter tout débordement. Dans la queue, les clients font la sourde oreille aux manifestants venus leur reprocher de soutenir un modèle indigne. Certains, néanmoins, se rassurent en échangeant avec leurs voisins, sur l’air de “tout vient de Chine de toute façon, même le luxe” ou “y’a du bon et du mauvais chez Shein, il faut choisir”.
Une fois les barrières franchies et le DJ d’accueil dépassé, ce qui impressionne le plus dans l’espace de vente Shein, c’est… la foule ! Malgré les scandales, le discount conserve son incroyable pouvoir d’attraction. Des curieux sont là, évidemment, mais aussi des clients qui pour certains se sont lancés dans un véritable marathon shopping.
À première vue, pourtant, les étiquettes n’impressionnent guère. Il faut dire que Shein, ici, ne présente que le “haut de gamme” de son catalogue : top à 11 euros, pull à 20 euros, jean à 40 euros, doudoune à 75 ou 90 euros, etc. “Les mêmes prix qu’à Uniqlo !”, pestera à la sortie une visiteuse déçue. Une façon de limiter au maximum les polémiques sur la qualité de l’offre proposée.
Deux à trois heures après l’ouverture, la foule se fait moins dense mais reste nombreuse. L’agencement, à moindre coût et pensé pour une affluence record, joue tant bien que mal son rôle. Sur les étagères basiques et les alignements interminables de portants, le bazar s’est installé. Les employés en combinaison “Shein Squad” se démènent pour remettre de l’ordre dans ce qui ressemble de plus en plus à un bac de fouille géant. Ils évitent en tout cas le chaos, et ce n’est déjà pas si mal.
À 16 heures, les télés et les radios ne sont pas encore parties. Elles continuent d’interroger quelques clients et, surtout, attendent la réaction de Frédéric Merlin à la demande de suspension du site Shein annoncée dans l’après-midi par le gouvernement français. Le patron du BHV revient devant les journalistes qu’il avait accueillis quatre heures plus tôt, pour un commentaire cette fois lapidaire.
En substance, dit-il, c’est une bonne chose de mettre fin à la vente d’articles illicites, et Shein s’y emploie lui aussi puisqu’il vient de décider de fermer sa marketplace en France. Pour le reste, Frédéric Merlin s’engage sur la qualité des articles référencés au BHV. Puis il file sans répondre aux questions. Cynique ? Meuh non…
Qu’importe désormais que le coup de com de Shein et du BHV fasse pschitt ou pas. Que Shein rentre dans le rang des réglementations européennes ou se fasse chasser du vieux continent sous les huées. La roue du commerce tourne sous nos yeux, et elle ne reviendra pas en arrière. Le nouveau discount du “direct usine” en provenance de Chine va bousculer le modèle historique d’importation de biens et sa chaîne d’intermédiaires. Les Français qui y ont goûté en veulent déjà plus. C’est la “France d’en bas”, celle qui recherche du prix bas par opportunisme ou nécessité. Pendant que la “France d’en haut” ne voit “que” la poupée sexuelle enfant (un crime, soyons clair) et donne dans la morale (revoir ici).
Et pour la visite en immersion de l’espace Shein au BHV, à vous de scroller !






















