Tribunes

Tribune n°53 (février 2008)

Déshonneur médiatique…

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La société de consommunication

LES FAITS. Le magazine 60 millions de consommateurs, dans son édition de février, a établi la “liste noire des prix qui flambent”. Un niveau d’inflation qui atteint jusqu’à 45 % pour les sphaghettis Barilla.

Les “JT” s’enchaînent et se ressemblent toujours autant. Depuis dimanche, TF1, France 2 et France 3 “ouvrent” systématiquement leurs journaux sur le mal du moment : l’hyper-inflation alimentaire. Un sujet médiatiquement en or (rien de plus fédérateur que “la bouffe”), cautionné par une enquête de l’indéboulonnable 60 millions de consommateurs et surfant sur la capacité naturelle du quidam à se répandre face caméra sur “cette vie qui coûte tous les jours plus cher”… Bref, voilà l’hyper-inflation alimentaire propulsée en trois jours à peine au rang de grande cause nationale. Une véritable mayonnaise médiatique (au demeurant réussie) qui ne manque pas d’interpeller sur cette société de… “consommunication” où la valeur d’une information est bien faible comparée à l’interprétation qui en est suggérée, depuis l’émetteur jusqu’aux multiples diffuseurs qui ne cessent d’amplifier et, malheureusement, de déformer le message.
Dès l’origine,une information viciée
qui… n’en est plus une

A l’origine donc, une étude du magazine 60 millions, sur “l’évolution des prix dans la grande distribution”. Des résultats édifiants, c’est un fait. +
25 % par ici, + 40 % par là. Mais l’information originelle est elle-même viciée. Les hausses de prix annoncées par 60 millions et attribuées nominativement à Carrefour, Auchan, Leclerc, Hyper U ou Intermarché reposent sur des relevés réalisés chez les cybermarchands appartenant aux dites enseignes. Ce n’est donc que par extension – et sans grands états d’âme – que 60 millions peut évoquer les 37 % d’inflation de la bouteille de Candia Protéines chez… Carrefour (en réalité sur le site Ooshop). Plus grave, l’interprétation qui est suggérée : “Le lait UHT subit un tsunami sur ses étiquettes”. Info ou intox ? Ni l’un ni l’autre… Communication. Car si l’évolution relevée par 60 millions est réelle, elle n’est pas représentative. Un seul exemple, non relevé : le lait premier prix. La première “ligne” du marché, et ce dans 99 % des magasins français. Inflation
2007 : + 7 % (en clair de 0,55 à 0,59 e). Sachant que les premiers prix pèsent un tiers des ventes, difficile d’évoquer un “tsunami des prix sur le
lait”… Sans qu’il faille excuser      ses coupables approximations, le
magazine cherchait manifestement davantage à mettre le sujet en débat plutôt que de l’alimenter de manière très scientifique… Une vraie démarche de comm’.
Le “coup de poing” de Fillon,Info ou comm’ ?
Communication toujours dans la manière dont l’étude 60 millions a été reprise. Aveuglement et abruptement. Aucune mention de la méthodologie alambiquée qui assimile Ooshop à Carrefour. Et, surtout, ce qui n’était encore qu’une interprétation au stade précédent de cette grande chaîne médiatique (“Le lait UHT subit un tsunami sur ses étiquettes”) est présenté comme une information : “Le lait a augmenté de 37 %”. Une fausse information ? Qu’importe. L’opinion, choquée, attend de l’Etat qu’il intervienne. Et François Fillon, plus discret mais pas moins habile que les autres, de faire de… la comm’, pourtant présentée comme de l’information : “Une réunion à Matignon pour tenter d’enrayer la hausse des prix” (qui y croit…  ) ; “Une opération coup de poing dans les centrales” (pour y voir quoi ?). Même la date d’entrée en application de la loi Chatel s’accomode de ces petits arrangements avec la vérité. Oublié le 1er janvier. Les services du ministre communiquent désormais sur le 1er mars (comme pour justifier qu’elle n’ait pas encore d’effets).
Bienvenue donc dans un monde où l’information – qui n’en est plus – est façonnée et consommée comme un produit ! Bienvenue dans la société de consommunication…
O. DAUVERS

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2 commentaires

  1. Juste une remarque : arroseurs arrosés ? A force de communiquer dans tous les sens, qu’il s’agisse de la communciation publicitaire des enseignes (n’est-ce pas MEL qui a dénoncé le premier, avec force budget, ces augmentations intolérables) ; de la communication institutionnelle des entreprises (lire les papiers récents dans la presse économique des très bons réusltats de Danone qui a réussi à “surfer” sur la hausse des prix des matières premières) ; enfin de la communication politique qui fait des “coups de poing”. Résultat: un salmigondis. Tous dans le même sac, c’est ce dont est convaincu le consommateur.
    on aboutit à cela

  2. Oui, les prix augmentent ! Mais certainement pas de 40 %. Et puis, chacun est libre de ne pas acheter ce qui augmente de trop, ou coûte trop cher. Nous avons une force, nous, consommateurs. Celle de comparer les prix et les enseignes (ne sont pas les moins chères celles qui crient le plus fort) et d’acheter ou non. La loi Chatel ? Je ne voie pas bien ce qu’elle pourrait véritablement amener de plus : les magasins sont bien obligés de réaliser une marge pour payer leurs charges. Si avant, ils vendaient à prix coutant, se rémunérant sur les marges arrières, après, il faudra bien qu’ils réalisent une marge équivalente. Et comme les prix sont libres…
    Par contre, il faut absolument contrôler les “erreurs” de prix qui nous font payer en caisse plus cher qu’indiqué en rayon, ainsi que les fausses promotions qui rendent un article promu plus cher que la semaine précédente au prix normal. Je constate beaucoup de ces cas là. Et le consommateur lambda ne va porter plainte chaque fois qu’il est escroqué de 15 cts. C’est donc aux Services de l’Etat de faire ces vérifications et de sanctionner durement tout manquement, afin qu’ils ne se reproduisent pas !

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