Tribunes

Tribune n°57 (juillet 2008)

L’action Carrefour au plus bas

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Bernard Arnault

nouveau Bernheim ?

LES FAITS. La valeur de Carrefour en bourse ne cesse de se dégrader. A 31 euros l’action le 11 juillet, le groupe est désormais valorisé moins de 22 milliards d’euros. C’est environ 10 milliards de moins qu’en mars 2007 lorsque Bernard Arnault et le fonds Colony Capital ont croqué près de 10 % de Carrefour.

Un milliard d’euros… Le chiffre est cruel mais bien réel. En 16 mois, depuis mars 2007, date de leur immixion surprise dans le capital de Carrefour, le tandem Arnault-Colony a donc “brûlé” un milliard d’euros.
Certes, quiconque a boursicoté au moins une fois dans sa vie connaît bien l’adage “pas vendu, pas perdu” ! Il n’empêche… Pour d’aussi exemplaires financiers, voilà franchement le genre de performances qui fait désordre. Pire encore, valorisé moins de 22 milliards, la totalité de Carrefour vaudrait désormais moins que ses actifs immobiliers au début de l’an dernier… Actifs immobiliers qui ont précisément attiré Arnault et Colony vers Carrefour. De deux choses l’une : ou la bourse est folle (sur le principe, rien ne peut garantir le contraire…) ou l’analyse des deux comparses sur la valeur réelle de l’immobilier était fausse. Comme souvent, la vérité est sûrement entre les deux.

Le spectre de l’OPA n’est pas qu’un fantasme
Le résultat est là. Voilà le groupe fragile comme jamais alors qu’il était il y a peu un fleuron de l’économie française. Le capital est émiétté et la valeur au plus bas. Le spectre d’une OPA n’est donc pas qu’un fantasme.
Auquel cas, et malgré une nécessaire prime par rapport au marché, pas sûr que Bernard Arnault retrouve sa mise initiale. Et l’inévitable parallèle avec Antoine Bernheim, patron d’Euromarché lors de la disparition de l’enseigne, n’en serait pas si saugrenu… Financier de haut vol, Antoine Bernheim avait géré “Euro” comme un banquier, en imaginant simplement qu’il suffirait d’accroître les marges pour doper les profits. Fatal error !
Bernard Arnault n’a certes pas ce niveau de naïveté. Pour autant, la “financiarisation” de la vie quotidienne du groupe est là et bien là.
Jusque dans la sémantique de José Luis Duran, patron opérationnel de Carrefour. A son arrivée aux commandes il y a 3 ans, il avait surpris son monde par un retour magistral aux fondamentaux du commerce. “Notre nouveau modèle économique prend forme, basé sur une croissance durable du chiffre d’affaires, plutôt que sur une expansion des marges commerciales comme par le passé”, déclarait-il alors. Mercredi dernier, présentant les chiffres d’affaires du premier semestre à la communauté financière, le même José Luis Duran classait au rang des “priorités du groupe” la “création de valeur pour les actionnaires”. Antoine Bernheim, avant de condamner Euromarché, ne raisonnait pas autrement. Car cette “priorité” (dont on imagine aisément qu’elle est là pour la satisfaction de Bernard Arnault) revient à placer l’actionnaire avant le client. Ce qui n’a jamais constitué une stratégie pérenne. Non (et re-non), la satisfaction de l’actionnaire n’est pas la priorité d’une entreprise, même si elle peut en être la finalité. La Mère des priorités est bien la satisfaction du client dont peut ensuite découler la satisfaction de l’actionnaire par un “retour” plus ou moins important.

D’abord le client, ensuite l’actionnaire
A l’heure où la bourse fragilise Carrefour, le groupe doit plus que jamais s’appuyer sur les fondametaux qui ont fait son succès 40 ans durant. Et le rôle du premier de ses actionnaires est de l’y aider et non d’orienter le management dans une direction dangereuse. Supprimer une opération promotionnelle parce qu’elle est coûteuse ainsi que Carrefour l’a fait cette année en ne renouvellant pas l’opération “- 50 %” sur avril ? Une erreur. Sur le fond, la promo a-t-elle une autre mission qu’être cette goutte de perte dans un océan de profit ? Plus généralement, la politique commerciale de Carrefour doit gagner en constance (qui se souvient encore de la ligne rouge Alerte Prix ?) avec une seule ambition : le client d’abord.
Ensuite, et seulement ensuite, l’actionnaire. Et pas l’inverse. Sauf à vouloir singer Euromarché qui, en son temps, avait finalement été avalé par… Carrefour.

O. DAUVERS

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