Tribunes

Le Président, les paysans, les commerçants

LES FAITS. Nicolas Sarkozy a profité de la visite d’une exploitation agricole à Bruno-Bonnevaux (Essonne) pour appeler à un «meilleur partage de la valeur ajoutée» entre producteurs et distributeurs. Le chef de l’Etat a même menacé : faute d’un accord de modération des marges, il pourrait imaginer une taxe additionnelle sur les surfaces commerciales…
P aysans-commerçants : c’est reparti ! A la différence des épisodes précédents de ce feuilleton finalement sans fin, le casting a changé. Les voilà désormais trois autour de la table : les paysans, les commerçants et donc le Président de la République qui a profité d’une visite-prétexte la semaine dernière dans l’Essonne pour montrer – en langage élyséen – «toute sa détermination à ne pas laisser mourir l’agriculture française». Mazette ! Voilà le poil de dramaturgie indispensable pour rendre le feuilleton haletant.
Comme toujours (hélas), l’État a soigneusement opposé les uns aux autres, s’exonérant de ses propres responsabilités, pourtant immenses. En appellant à un «meilleur partage de la valeur ajoutée», Nicolas Sarkozy sous-entend le déséquilibre actuel de la relation commerciale. Pas faux ! Ce déséquilibre est patent. Reste à savoir si, par principe, l’opérateur le plus fort dans une filière (et quelle qu’elle soit, alimentaire ou non) doit s’affaiblir volontairement pour «se mettre au niveau» ? Le Ministre de l’Economie que fût le chef de l’État a-t’il à ce point oublié ses fondamentaux ? La valeur ajoutée ne se partage pas, pas plus qu’elle ne se décrète ! Elle est la conséquence d’un rapport de force entre acteurs économiques qui jouent forcément leur propre partition. Et c’est là que le bât blesse, précisément. Car la puissance publique est grandement responsable de ces déséquilibres. En cause ? La concurrence inter-pays encouragée par des accords géopolitiques négociés – sans l’avouer évidemment – sur le dos des paysans, tout en utilisant la puissance des commerçants en guise de dérivatif. L’Europe – qui est certes un projet géopolitiquement louable – s’est bâtie pour partie sur des distorsions de conditions de production. Distorsions fiscales, sociales et/ou environnementales. La compétitivité actuelle du lait allemand n’est pas à chercher ailleurs que dans ces distorsions.
Dernier épisode en date, et formidable illustration de l’hypocrisie de la puissance publique (qui sacrifie l’agriculture à Bruxelles le matin et incrimine la distribution le soir au 20h) : le Maroc et ses tomates. Jusqu’à présent, le royaume chérifien bénéficiait d’une exonération de droits de douane pour 230 000 tonnes annuelles de tomates exportées vers l’UE. 230 000 tonnes qui pèsent sur le marché de toute leur compétitivité sociale : comptez 5 euros par jour pour la main d’œuvre marocaine, et au minimum le double de… l’heure pour les producteurs Bretons. Evidemment pas comparable. Mais le pire est encore à venir : en vertu d’un nouvel accord Maroc-UE, les Marocains pourront désormais exporter 50 000 tonnes supplémentaires, soit plus de 20 % additionnels, déséquilibrant plus encore un marché à l’équilibre déjà instable ! A l’évidence, les commerçants en profiteront, comme tout acheteur le ferait (même l’État…). Mais qui blâmer ? Celui qui cause le trouble (qui plus est en s’en cachant) ou celui qui en profite ? Aveugles, naïfs ou finalement bien peu courageux, les représentants agricoles ont jusqu’à présent toujours évité de mettre publiquement en cause leur tutelle préférant désigner leurs clients. ça tombe bien. Le Président est visiblement tout autant aveugle, naïf ou… bien moins courageux qu’il ne le dit !                       Olivier Dauvers

TGc78LES FAITS. Nicolas Sarkozy a profité de la visite d’une exploitation agricole à Bruno-Bonnevaux (Essonne) pour appeler à un «meilleur partage de la valeur ajoutée» entre producteurs et distributeurs. Le chef de l’Etat a même menacé : faute d’un accord de modération des marges, il pourrait imaginer une taxe additionnelle sur les surfaces commerciales…

Paysans-commerçants : c’est reparti ! A la différence des épisodes précédents de ce feuilleton finalement sans fin, le casting a changé. Les voilà désormais trois autour de la table : les paysans, les commerçants et donc le Président de la République qui a profité d’une visite-prétexte la semaine dernière dans l’Essonne pour montrer – en langage élyséen – «toute sa détermination à ne pas laisser mourir l’agriculture française». Mazette ! Voilà le poil de dramaturgie indispensable pour rendre le feuilleton haletant.

Comme toujours (hélas), l’État a soigneusement opposé les uns aux autres, s’exonérant de ses propres responsabilités, pourtant immenses. En appellant à un «meilleur partage de la valeur ajoutée», Nicolas Sarkozy sous-entend le déséquilibre actuel de la relation commerciale. Pas faux ! Ce déséquilibre est patent. Reste à savoir si, par principe, l’opérateur le plus fort dans une filière (et quelle qu’elle soit, alimentaire ou non) doit s’affaiblir volontairement pour «se mettre au niveau» ? Le Ministre de l’Economie que fût le chef de l’État a-t’il à ce point oublié ses fondamentaux ? La valeur ajoutée ne se partage pas, pas plus qu’elle ne se décrète ! Elle est la conséquence d’un rapport de force entre acteurs économiques qui jouent forcément leur propre partition. Et c’est là que le bât blesse, précisément. Car la puissance publique est grandement responsable de ces déséquilibres. En cause ? La concurrence inter-pays encouragée par des accords géopolitiques négociés – sans l’avouer évidemment – sur le dos des paysans, tout en utilisant la puissance des commerçants en guise de dérivatif. L’Europe – qui est certes un projet géopolitiquement louable – s’est bâtie pour partie sur des distorsions de conditions de production. Distorsions fiscales, sociales et/ou environnementales. La compétitivité actuelle du lait allemand n’est pas à chercher ailleurs que dans ces distorsions.

Dernier épisode en date, et formidable illustration de l’hypocrisie de la puissance publique (qui sacrifie l’agriculture à Bruxelles le matin et incrimine la distribution le soir au 20h) : le Maroc et ses tomates. Jusqu’à présent, le royaume chérifien bénéficiait d’une exonération de droits de douane pour 230 000 tonnes annuelles de tomates exportées vers l’UE. 230 000 tonnes qui pèsent sur le marché de toute leur compétitivité sociale : comptez 5 euros par jour pour la main d’œuvre marocaine, et au minimum le double de… l’heure pour les producteurs Bretons. Evidemment pas comparable. Mais le pire est encore à venir : en vertu d’un nouvel accord Maroc-UE, les Marocains pourront désormais exporter 50 000 tonnes supplémentaires, soit plus de 20 % additionnels, déséquilibrant plus encore un marché à l’équilibre déjà instable ! A l’évidence, les commerçants en profiteront, comme tout acheteur le ferait (même l’État…). Mais qui blâmer ? Celui qui cause le trouble (qui plus est en s’en cachant) ou celui qui en profite ? Aveugles, naïfs ou finalement bien peu courageux, les représentants agricoles ont jusqu’à présent toujours évité de mettre publiquement en cause leur tutelle préférant désigner leurs clients. ça tombe bien. Le Président est visiblement tout autant aveugle, naïf ou… bien moins courageux qu’il ne le dit !                       Olivier Dauvers

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