Tribunes

Le poulet qui ne doit pas cacher la forêt…

LES FAITS. Le Figaro Economie rapporte ce matin le spectaculaire succès commercial des poulets sans antibiotiques de Carrefour avec des ventes quatre fois supérieures aux prévisions.
L’histoire est si belle… Déjà,   imaginez des poulaillers en Auvergne. Buccolique. Des volailles auxquelles l’éleveur épargne les traitements antibiotiques par la grâce de Dame Nature.  Contre les parasites ? De l’ail ou de l’armoise. Contre les colibacilles ? Du thym, de l’origan ou de la cannelle. La pharmacopée est une vraie recette gourmande. Une recette à succès détaille d’ailleurs Le Figaro. Carrefour tablait sur 4 000 poulets par semaine. Les clients en avalent entre 15 et 16 000. Pour suivre pareille demande, les producteurs sont même contraints de bâtir à tour de bras : un nouveau poulailler par semaine. Et ce qui    rend l’histoire encore plus belle est ailleurs…, sur l’étiquette : ces poulets sont en effet 3 à 5 % plus chers que leur équivalent Label Rouge traditionnel. De quoi s’esbaudir sur ce consommateur enfin prêt à dépenser plus pour manger mieux.
L’exemple est en effet incontestable. Pour autant, qu’en déduire… ? Que le chaland a changé, qu’une nouvelle ère s’ouvre ? Que le “Poulet Carrefour” est le symbole d’un ordre alimentaire nouveau dont bio, fermier et naturel seraient les points cardinaux ?
Dépenser plus pour manger mieux :
un rêve inaccessible pour beaucoup
Si l’histoire est belle, attention à ne pas lui donner la portée qu’elle ne peut avoir. Bref, à ne pas y voir le poulet qui… cache la forêt (de bas prix). Sur le principe, l’attente de qualité supérieure est grande (et heureuse) chez les consommateurs. Dans les faits, elle se heurte souvent à l’équation budgétaire tendue des foyers. Aux plus modestes (ils se comptent quand même en millions, trop de bien-pensants aisés l’oublient), le poulet sans antibiotiques rappelera leur propre situation d’inaccès aux soins ! Dépenser plus pour manger mieux leur est durablement étranger. A tort peut-être, ils priorisent même d’autres postes budgétaires, moins essentiels mais plus visibles.
Les foyers moyens, eux, sont plus réceptifs. Mais pas moins contraints budgétairement. Leur revenu est leur première contrainte (la médiane française est à 1 700 €). Et s’ils “picorent” dans les strates élevées de l’offre alimentaire, ils ne peuvent hélas en faire leur pitance quotidienne.
S’émanciper de la pression
du prix bas
Le poulet Carrefour démontre néanmoins qu’il est possible de s’émanciper de la terrible pression du prix bas, au bénéfice des éleveurs (et de l’image de l’enseigne). Mais il n’est que l’exception d’une règle qui fait encore du discount le premier moteur du commerce. D’ailleurs, quel levier le même Carrefour va-t-il utiliser massivement ces prochaines semaines pour relancer son commerce ? Le prix, naturellement, avec des promos à – 70 % dans le cadre du “Mois Carrefour”. Son objectif ? Eviter le “croisement de courbes” qui s’annonce avec Leclerc. Lequel doit son succès précisément au prix. Prenez également Système U et sa toute aussi belle histoire sur le commerce (actuellement sur vos écrans). Sur scène, le plaidoyer    est remarquable. L’avocat (Serge Papin) y fait merveille. Mais, dans la coulisse, Système U “remet” du prix, en témoignent les résultats de l’étude DISTRI PRIX : Hyper U est la seconde enseigne la moins chère, Super U est classée quatrième, en nette amélioration sur l’été.  L’une et l’autre posture ne sont évidemment pas incompatibles, le succès de U l’illustre. Mais la belle histoire sans le prix n’intéresserait qu’une fraction de consommateurs. Trop peu pour absorber les millions de poulets   produits ailleurs qu’en Auvergne.
Olivier Dauvers

TGC127LES FAITS. Le Figaro Economie rapporte ce matin le spectaculaire succès commercial des poulets sans antibiotiques de Carrefour avec des ventes quatre fois supérieures aux prévisions.

L’histoire est si belle… Déjà, imaginez des poulaillers en Auvergne. Buccolique. Des volailles auxquelles l’éleveur épargne les traitements antibiotiques par la grâce de Dame Nature.  Contre les parasites ? De l’ail ou de l’armoise. Contre les colibacilles ? Du thym, de l’origan ou de la cannelle. La pharmacopée est une vraie recette gourmande. Une recette à succès détaille d’ailleurs Le Figaro. Carrefour tablait sur 4 000 poulets par semaine. Les clients en avalent entre 15 et 16 000. Pour suivre pareille demande, les producteurs sont même contraints de bâtir à tour de bras : un nouveau poulailler par semaine. Et ce qui rend l’histoire encore plus belle est ailleurs…, sur l’étiquette : ces poulets sont en effet 3 à 5 % plus chers que leur équivalent Label Rouge traditionnel. De quoi s’esbaudir sur ce consommateur enfin prêt à dépenser plus pour manger mieux.

L’exemple est en effet incontestable. Pour autant, qu’en déduire… ? Que le chaland a changé, qu’une nouvelle ère s’ouvre ? Que le “Poulet Carrefour” est le symbole d’un ordre alimentaire nouveau dont bio, fermier et naturel seraient les points cardinaux ?

Dépenser plus pour manger mieux : un rêve inaccessible pour beaucoup

Si l’histoire est belle, attention à ne pas lui donner la portée qu’elle ne peut avoir. Bref, à ne pas y voir le poulet qui… cache la forêt (de bas prix). Sur le principe, l’attente de qualité supérieure est grande (et heureuse) chez les consommateurs. Dans les faits, elle se heurte souvent à l’équation budgétaire tendue des foyers. Aux plus modestes (ils se comptent quand même en millions, trop de bien-pensants aisés l’oublient), le poulet sans antibiotiques rappelera leur propre situation d’inaccès aux soins ! Dépenser plus pour manger mieux leur est durablement étranger. A tort peut-être, ils priorisent même d’autres postes budgétaires, moins essentiels mais plus visibles.

Les foyers moyens, eux, sont plus réceptifs. Mais pas moins contraints budgétairement. Leur revenu est leur première contrainte (la médiane française est à 1 700 €). Et s’ils “picorent” dans les strates élevées de l’offre alimentaire, ils ne peuvent hélas en faire leur pitance quotidienne.

S’émanciper de la pression du prix bas

Le poulet Carrefour démontre néanmoins qu’il est possible de s’émanciper de la terrible pression du prix bas, au bénéfice des éleveurs (et de l’image de l’enseigne). Mais il n’est que l’exception d’une règle qui fait encore du discount le premier moteur du commerce. D’ailleurs, quel levier le même Carrefour va-t-il utiliser massivement ces prochaines semaines pour relancer son commerce ? Le prix, naturellement, avec des promos à – 70 % dans le cadre du “Mois Carrefour”. Son objectif ? Eviter le “croisement de courbes” qui s’annonce avec Leclerc. Lequel doit son succès précisément au prix. Prenez également Système U et sa toute aussi belle histoire sur le commerce (actuellement sur vos écrans). Sur scène, le plaidoyer est remarquable. L’avocat (Serge Papin) y fait merveille. Mais, dans la coulisse, Système U “remet” du prix, en témoignent les résultats de l’étude DISTRI PRIX : Hyper U est la seconde enseigne la moins chère, Super U est classée quatrième, en nette amélioration sur l’été.  L’une et l’autre posture ne sont évidemment pas incompatibles, le succès de U l’illustre. Mais la belle histoire sans le prix n’intéresserait qu’une fraction de consommateurs. Trop peu pour absorber les millions de poulets   produits ailleurs qu’en Auvergne.

Olivier Dauvers

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5 commentaires

  1. Olivier, je ne me rends pas compte, mais 15 000 poulets/semaine sur une si grosse enseigne c’est un bon score ou une frange infime? En gros ceci a t il une vraie portée “sociologique” ou traduit il une meilleur mise en avant merch?

  2. Certes, ils n’ont peut etre pas d’antibiotiques, ce qui reste à demontrer. Si c’est comme les OGM, ils sont quand meme présents mais à une marge tolérée par Bruxelles. Cela m’etonnerait qu’en cas de grippe aviaire ou autre maladie soudaine du type épidémie, on ne les vaccine pas à tour de bras pour eviter l’abattage de masse..Mais admettons. Savez vous combien de vaccins ils leurs ont mis au stade du poussin de 5 jours pour que justement, ils n’aient pas besoin d’antibiotique ? Deux fois plus, sans doute. En d’autres termes, ces poulets sont tout autant des bombes à retardement pour le consommateur. Conclusion, tant que les consommateurs achèteront des poulets de l’industrie, ils n’auront que le choix entre la peste et le cholera..mais c’est tellement bien vendu. Seule solution ? Permettre à chaque particulier de pouvoir disposer d’un bout de terrain (du voisin, ou de la commune, jardin partagé, etc.) pour elever ses poules), et avoir ses œufs, et ses poulets. C’est un projet à aller demander aux ediles, il y aura toujours assez de oui pour l’emporter.

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